Johnny Hallyday : Rivière...Ouvre ton lit (1969)

   
  Le jour est proche où, il faudra tous s'y résoudre, nous déposerons les armes, nous déferons de nos cyniques armures et, après avoir demandé audience, nous monterons au chateau .

Et là, face au trône, posant un genou à terre nous lui déclarerons : "ce disque là, mon vieux Johnny, waow! il est terrible!!!"

Bon sang ! Johnny Halliday ! si on m'avait dit...
Des souvenirs d'enfance noirs et blancs chez Guy Lux où il se roule à terre en sueur hurlant "Que je t'aime", l'année de 4ème et les tourments subis à la récré par une horde de dégénérés (cheveux ras et idées courtes) en blousons skaï, jeans Pantashop et boots André à fermetures se réclamant de l'idole des plus déjà jeunes .
Et puis ses fans hardcore (pléonasme ?) en t-shirts cheaps arborant coyotes, pleines lunes et Jojo sur le poitrail !...quant à Chirac, Raffarin, Sarkosy, no comment...

Bref, Johnny en France c'est la fin des temps ou le surplace permanent.
Pourtant à la fin des sixties, s'il ne devait en rester qu'un, après l'éclatement des groupes (service militaire oblige), la crétinerie finissante des yéyés et l'ombre des géants qui se bousculent à Londres et aux States, ce ne pouvait être que lui.
Car sa fascination pour l'Angleterre et la Pop révolution, à l'instar de Gainsbourg ne date pas d'hier,en atteste son admiration pour Jimi Hendrix qu'il ramènera dans ses bagages pour sa première partie à l'Olympia.

Il retourne donc à la swinging London fin 68-début 69 aux studios Olympic accompagné de ses désormais fidèles gachettes brittones, Mick Jones et Tommy Brown qui assureront la connection avec les pointures locales.
Glyn Johns ( Who, Led Zeppelin, Eagles,Faces, Stones, etc...) est derrière la console et va donner à ce disque une énergie du feu de Dieu, mixant la voix  aux instruments ce qui nous changeait des ternes productions frenchies.
Evidemment, à tout seigneur tout honneur, les sessionmen ne sont pas des manches : Jimmy Page pré Dirigeable, Peter Frampton et surtout Steve Marriott et Ronnie Lane Small Faces en fin de courses vont assurer l'artillerie.
"Rivière...Ouvre ton lit" est un véritable brasier alignant riffs, chorus de la mort, cris, feulements et festival de chansons idéalement choisies : celle qui ouvre et donne involontairement son titre à l'album est une tuerie , "voyage au pays des vivants" décalquée sur Steppenwolf dépote à tout-va, "Viens" fera jerker les filles en Courrèges,"Les anges de la nuit"presque pastoral évoque Traffic et Jethro Tull.

Il n'y ici rien à jeter, musique et belle pochette de Jean-Marie Périer où Johnny rivalise sans rougir avec la nouvelle aristocratie musicale, s'invitant au banquet des nouveaux mendiants qui règneront sur le monde la décennie suivante .



En moins de 40 mn. Johnny Halliday remet les points sur les pendules et le i à l'heure en signant son grand album Rock  qui telle une comète n'est pas pas prête de repasser.
Il n'a malheureusement jamais recommencé et la suite on la connaît : les permanents changements tant professionnels (Labro, Billion, Mallory, Goldman-Berger et leur sinistre variété-Rock) que privés (Sylvie, Nathalie, Adeline, Laetitia...), les shows mégalos (Mad Max, Stade de France) et sa marionnette aux tristes Guignols ont achevé de l'éloigner de nous.

Il y avait au dehors tout un monde à explorer mais, mine de rien , il reste avec les Rolling Stones celui qui depuis n'aura jamais lâché l'affaire.

Fallait oser   

Très bien entouré, limite de la confiture pour ce cochon qui a un phrasé régulièrement à côté de la plaque, faire groover c'est pas son truc (ses paroliers ne l'ont pas aidé non plus, faut dire ... Hey, appelez-moi l'chef de rayon   ). Bon, je parle pas de son timbre qui m'insupporte mais ça c'est personnel.

Un Eric Burdon ou un Joe Cocker là-dessus, je prenais.

Moi aussi au départ j'ai tiqué sur les paroles, sa manière qui deviendra caricaturale de prononcer "u" les "ou", le mysticisme de pacotille mais rarement disque français de Rock aura été à ce point en phase avec la vibration d'une époque ( Melody Nelson inclus).

Et puis le Rock c'est aussi de la confiture pour les cochons fussent-ils comme ici inspirés, des frissons bon marché (cheap thrills ?) non ?

Geheffe sort de ce corps, on t'as reconnu malgré ton masque.

J'ai jamais pu blairer Johnny....vintage ou pas.