Joe Jackson - Look Sharp (1979)

C'est aujourd'hui dimanche. Comme y'avait plus de roses blanches au marché, je vous ai apporté cette chronique

C'était donc un repas dominical ordinaire avec mes garçons. Pendant qu'ils mettaient le couvert, j'avais fait cuire deux jolis morceaux de boeuf dehors, en foutant un peu le feu à la sauge qui débordait de son carré. L'incendie évité, on était passé à table.
On avait d'abord terminé l'album des Hoodoo Gurus entamé la veille au soir. Face B, je vous parle de vinyle, on est entre personnes civilisées...
Et puis hop, pas pris le temps de trop pinailler, la bouffe c'est sacré et faut pas que ça refroidisse, j'ai enchaîné avec l'album qui suivait directement dans la malle aux disques: Look Sharp, le premier Joe Jackson.
Face A, Première plage, One More Time.



On en était au dessert. Esquimaux à la noix de coco. Très important, le parfum, faut que vous sachiez.
J'ai fait mon Justin Bieber en chantant "Babe, babe" dans mon bâtonnet. Et puis j'ai continué. Et alors j'ai réalisé que je connaissais les paroles par coeur.

Deuxième plage, Sunday Papers.



Je vous mets une version live, c'est plusse mieux quand ça bouge.
Et puis au passage, ça nous permet de constater que Graham Maby officie sur une Precision touche mapple, ce que j'ignorais absolument. Je ne m'étais jamais posé la question en fait, vu qu'à l'époque où j'ai acheté ce disque je n'étais pas encore musicos, ça n'allait pas tarder, j'étais tout à fait mûr, j'hésitais en fait entre le chant ET la guitare ET la batterie ET la basse. Il m'a fallu une trentaine d'années, mais finalement c'est arrivé, presque sans faire exprès, je suis tout ça, chanteur, guitariste, bassiste, batteur et je me dis que j'ai quand même réussi à faire des trucs dans ma vie.
Maintenant, bien sûr, je ne suis pas surpris. J'aurais dit ça en premier si on m'avait demandé: Precision touche mapple. Ça s'entend. Et pour l'ampli, il me semble que j'aurais pu dire gros Fender Bassman, aussi. Si, si, je le pense vraiment. Mais bien sûr tu n'es pas obligé de me croire...
Je digresse. L'heure de la sieste, sans doute. Je vais y aller, mais pas avant d'en avoir fini avec ce morceau. Ce que je voudrais dire encore, c'est que sur cette deuxième plage, une fois mon esquimau entamé, je me suis rendu compte que je connaissais la ligne de basse note pour note. Par coeur, quoi. Et que si je tenais l'esquimau de la main droite pour libérer la gauche, celle-ci était capable de mimer un walking qui n'avait pas l'air bien éloigné de celui que crachait le sillon.

Wala. On en est qu'au deuxième morceau et j'ai pas vraiment l'intention de passer les autres sous silence.
Mais comme je me la sens bien, cette sieste, vous avez droit à une pause

Belle chronique d'un album génial!

J'avais fait la connaissance de Joe Jackson avec ses disques plus jazzy mais celui-ci reste ma référence.

Aussi important pour moi que le premier Costello

Pour la peine, Got The Time, repris de façon pas si dégueu par... Anthrax

lilic a écrit:

On avait d'abord terminé l'album des Hoodoo Gurus ... j'ai enchaîné avec l'album qui suivait directement dans la malle aux disques: Look Sharp, le premier Joe Jackson.

Accablé par les premières fortes chaleurs, je profitais de ce dimanche après-midi oisif pour comater sur un canapé en zappant vaguement entre le Tour de France (23 km en contre-la-montre par équipe entre Les Essarts et Les Essarts, quelle idée ...) et un énième reportage sur les trafiquants des cités (armes, explosifs, voitures, stup', tout y est passé).

J'ai évité Arte pour ne pas sombrer tout de suite. Néanmoins, la station horizontale fut vite fatale et je me mis à rêver d'un classement alphabétique où J+J passeraient avant H+G mais pas moyen, j'avais beau tourner le problème dans tous les sens, Joe Jackson restait derrière les Gourous qui avaient eu du flair en ne se prénommant pas Voodoo. Là, on aurait pu en discuter. Et encore, pas sûr.

Mais ces petits malins ne savaient pas qu'ils allaient rater un fameux combo boeuf/sauge/noix de coco. Tant pis pour eux, ce serait tout pour Joe. Sacré lascar celui-là, avec son look de gangster sur I'm The Man, sorti la même année. Là, c'est clean, class & sharp, ce qui lui va mieux au teint.

Putain de bon disque (son meilleur ?), grand premier alboume qui se réécoute toujours avec plaisir, même s'il est un peu racoleur avec son reggae de pacotille. Imparable.


Fools in Love

C'est vrai qu'on a à peine effleuré le contenu. Mais on a le temps, mes cocos.
Et si vous permettez, je m'en tiendrai à l'ordre des faces, tout aussi définitif que l'ordre alphabétique.

Troisième plage : Is she really going out with him?



Regardez sa tronche d'ado un peu trop bien nourri (je sais, l'image est floue mais essayez de faire un effort pour une fois), un peu trop grand et cette coiffure, comment dire... ah oui: de pacotille. Comme son reggae diraient les narquois. Sauf que c'est même pas du reggae.
Bref, la question n'est pas là, la question c'est qu'il raconte une histoire de déception amoureuse et qu'avec la gueule qu'il a, il est bien évident qu'il n'en est pas à sa première veste et qu'il sait de quoi y cause. Crédibilité, ça s'appelle. Et ça suffit à donner un nom à cette musique : les chansons à guitares électriques qui parlent de vestes, ça s'appelle du rock

Is she really gonna take him home tonight?
Is she really going out with him?
If my eyes don't decieve me there's something going wrong around here.

L'erreur de casting amoureux, tout le monde connait ça, non? Elle/lui est fait(e) pour vous, elle/il ne le sait pas mais toi tu sais très bien que tu l'aimerais à la perfection et que vous seriez heureux ensemble si seulement elle/il ne se faisait pas tripoter par ce gorille/cette guenon
J'ai acheté ce disque vers 1981, j'avais seize ans et peu d'expérience, mais les gâchis où mon petit cœur tombait dans la boue, vi, j'avais commencé à tester.
Et de voir qu'un type en cravate qui ressentait les mêmes troubles arrivait à faire un disque qui sonnait (et sonne toujours) aussi bien, ça aidait quand même bien à monter dans le bus du lycée les petits matins nuiteux d'hiver...

lilic a écrit:

Et si vous permettez, je m'en tiendrai à l'ordre des faces,

Arf, désolé pour l'herbe coupée sous les tongs. J'avions point capté. Sûrement l'esprit encore embrumé.

Nan mais c'est pas grave, Bigounet. J'avance tel le rouleau compresseur, dieu reconnaîtra les siens et remettra tout en ordre.
Et tu t'en tireras avec un simple petit averto

Plage 4 : Happy loving couples



Bah, après toutes ces vestes, comment voulez-vous qu'il se sente en phase avec les gens plus heureux?
D'où peut-être cet effet de déphasage ( on dit aussi phasing) appliqué à la guitare et la basse à longueur d'album.
Racoleur, en effet. Mais ça marche.

Merci Lilic pour ce déterrage. Encore une galette enfouie dans un coin du cortex.
Un bon gros plaisir de ré-écouter tous ces morceaux en se disant : "Ah ouais, celui-là aussi, bien sur, je le connais!"
Comment est-ce possible de laisser tomber ce genre d'album dans l'oubli ? Faut que je consulte...

il a longtemps tourné sur ma platine celui là.
Parce que JJ a un sens inné de la mélodie : c'est du rock mais tous ses morceaux fonctionnent avec un autre arrangement. Et puis Maby à la basse: quelle efficacité !

les deux premiers Joe Jackson sont géniaux, des classiques de la new wave à guitare à mon sens
j'aime un peu moins le troisième , je trouve les chansons moins marquantes

Certes, my twistin' pal, certes.

C'est un peu court-jeune-homme mais puisqu'on est d'accord sur l'essentiel...
Trop doué sans doute pour faire carrière dans le rock, Joe entamera un dérapage plus ou moins mal contrôlé à partir de Beat Crazy, son troisième. S'en suivent des Body & Soul et Night & day bouffis et ennuyeux mais qui se vendent bien. Argent facile, surcharge pondérale, fin de la misère sexuelle, Joe est perdu pour le R'N'R

Plage 5 et fin de la première face: Throw it away



Les paroles sont offertes, on en profite. Ça a l'odeur du punk, le goût du punk, presque le son du punk, mais c'en est pas. Un petit peu trop pas assez.
Mais pour des Français, ça peut encore passer pour. Rebellons-nous et throwons away thate bouleshite.

Et puis quand même, y'a ce piano énervé qui rappellerait presque celui de Jerry Lee.
Alors on se lève pour avoir la face B

lilic a écrit:

S'en suivent des Body & Soul et Night & day bouffis et ennuyeux mais qui se vendent bien. Argent facile, surcharge pondérale, fin de la misère sexuelle, Joe est perdu pour le R'N'R

Il ya un oubli : Jumpin Jive qui scelle la rupture .

Quant à "bouffis et ennuyeux", nous ne sommes absolument pas d'accord mon cher Lilic. Night and Day reste pour moi son meilleur album.

Par contre effectivement après "Body and Soul", je le concède, ce qui suivra sera "bouffis et ennuyeux"

Pas loin de partager l'avis de ce cher Agrume sur ce coup-là. Night & day n'est plus R'nR mais il n'empêche qu'il contient des richesses.

je ne connais pas du tout après les trois premiers albums, j'ai pas eu le temps de m'y pencher encore!

par contre je sais qu'il a fait récemment des disques pas mauvais du tout:


en formation piano basse batterie


conçu comme la suite des trois premiers albums avec le groupe d'origine (d'ailleurs c'est presque le même groupe sur Rain)

Rain est bien.

Bon, okay, j'ai jeté une oreille sur Night & Day. C'est vrai que c'est quand même 'achement bien foutu comme produit.
Mais ça me laisse absolument froid. Je reconnais que ce n'est pas une raison pour le traiter d'ennuyeux. C'est moi qui m'ennuie, c'est mon problème.
Par contre c'est un peu bouffi, quand même.

Face B

Baby Stick Around


Compo élégante servie au mieux par un groupe à la science de chien. Racoleuse? Oui aussi.
On glisse.
Les deux suivantes, je vous les mets collées, tiens. Vous dirai pourquoi après.

Look Sharp/Fools in love



Deux tubes reggae-pacotille imparables. Fools in Love était d'ailleurs sorti en 45t.
Dans ces deux morceaux, je trouve en germe certains trucs qui écloront plus tard sur ce Night & Day cher à vos vieux coeurs, par exemple.
L'impression pas très agréable que ce type a assimilé les codes d'un large panel de styles et qu'il pourrait pondre des hits à la demande. Pas très roquenrolle, tout ça.
Et la suivante me fait d'ailleurs le même effet, avec son harmonica un peu trop gentil.

(Do the)Instant Mash - Bass cover par un gaucher à l'auriculaire paresseux


Tiens, je suis prêt à parier des dollars contre des smarties que ces trois chansons sont vos trois préférées de l'album, chers Agrume et PY. Ai-je tout faux?

Comment que tu nous tient en haleine !

Chapitre après chapitre.

On reconnait le romancier

J'attends avec impatience le denouement.

A toi, je peux bien le dire : à la fin, Joe, il meurt.

Mais tu gardes pour toi, hein.
Les p'tits vieux, là, ça leur ferait de la peine, je crois

lilic a écrit:

Et puis quand même, y'a ce piano énervé qui vaut bien celui de Jerry Lee.

c'est tout très bien ce que tu dis, Lilic, sauf ça à mon avis
parce que le diable et le bon dieu, c'est bien loin des préoccupations de Joe,
alors que c'est le moteur de Jerry Lee

En plus t'as raison, Zaza. Je m’exalte, là.

Faudrait quand même pas tout mélanger. J'ai rectifié.

j'aime bien aussi "is she really going out with him"

la dernière fois que je l'ai vu en concert, ils l'ont fait comme çà:

J'aime tout aussi bien Sunday Papers que celles que tu as citées Lilic.
En réalité, je ne crois pas avoir de préférée. Désolé.

@ Agrume : les tenues de scène étaient les mêmes ??!!

Quand on songe qu'à l'époque Joe Jackson et dans une moindre mesure Graham Parker étaient considérés comme des Costello aux petits bras : seul l'Elvis binoclard trouvait grace aux yeux des rock critiques (à part De Caunes qui nous le révelera dans Chorus)... Y z'avaient quoi dans les cages à miel et dans les naseaux???!!!

"I'm The Man" son brillant siamois est tout aussi réussi, "i'm the man" ,"Geraldine & John","on your radio" et ma préfèrée:

L'été est passé. Panne d'inspiration ? Saphir cassé ?

Je sais bien qu'il faut donner la priorité aux Pretty Girls et que you Got The Time mais sauf erreur, l'en manque deux.

Allez, up !

Moui, t'as raison. Faut penser à boucler les boucles.

A froid, c'est plus dur, certes. Tant pis si ça grince un peu. Je m'y colle avant l'hiver, foi de cigale...

je découvre avec plaisir Look Sharp, sur un LP d'excellent pressage, un son crados qui va parfaitement au style punky. Vraiment un très bon album, dès la première écoute (rare chez moi).