Count Five - Psychotic Reaction (1966)

J'ai eu il y a peu un après midi idéal.

Idéal, car je n'avais pas de répèt, les enfants à l'école, ma femme au boulot... bref, rien de spécial à faire.
Une fois ce moment de bonheur monté à mon cerveau, j'enfourche ma bicyclette, sans oublier ma CB, et un "sac à vinyles", direction... la Charcuterie.

Pour les non initiés, c'est un disquaire Bordelais (Phil approuved) qui vend un peu de tout, notamment (et surtout, en ce qui me concerne) des rééditions...

Je gamberge pendant tout le trajet à mes futurs achats, au montant à dépenser que je m'accorde, sans oublier une excuse vitale à présenter à ma douce...

Arrivé devant le Graal, un panneau: Fermé pour congés. Ah le con.
Finalement, j'ai acheté des harengs.
Fin de l'histoire.

Oui mais non. J'avais une pulsion à assouvir, ça n'allait pas se passer comme ça. Direction le disquaire le plus proche: Total Heaven. Le meilleur disquaire de la ville, mais qui avouons le, n'a pas un rayon '60s énorme.

Une fois sur place et après quelques bacs parcourus fébrilement - l'heure tourne, bientôt les gamins à récupérer - je tombe sur une pochette qui me parle. Le nom lui, ne me dit rien: Count Five. Le titre du Lp: Psychotic Reaction. Si, je me souviens: j'ai lu ce nom parmi la centaine d'autres dans l'Evangile selon St Thieyre, Livre I, Lettre C. Qu'est ce qu'il en disait déjà ? Aucune idée.
Rah tant pis, je le prends !

De retour à la casa, déflorage de la pochette, et pose sous le saphir, le volume bien fort.

Et là, mais kezako ? C'est quoi cette tuerie garage ? Je pensais tomber sur du psyché, moi.
Mais c'est très bon.

Je ne vais pas vous faire l'historique d'un groupe que je ne connais que peu, mais après les avoir retrouvés dans le Saint Livre, et ayant lu les notes de pochettes, voici ce que j'en sais:
C'est un groupe composé de 5 étudiants de San Jose, Californie, moyenne d'age 18 ans.
Ils sortent d'abord un EP (1966), "Psychotic Reaction", single garage/psyché qui contient à lui seul son lot d'harmonica, guitares fuzzées... Le titre est classé d'entrée dans le top des charts US.
Quelques temps plus tard, grâce à leur rencontre avec un DJ local (Brian Lord), sort le LP du même nom sur Double-Shot Records. L'album est donc plutôt de consonance garage, efficace de bout en bout, et amha Mods approuved.
Les titres sont assez courts, 2'30 en moyenne,
Il contient en revanche une cover dispensable de "My Generation".
Le groupe remporte un vif succès, mais refuse de partir en tournée afin de défendre l'album. Ils ne jouent donc que localement, et préfèrent finalement se consacrer à leurs études. End of the story, qui n'aura duré qu'un an et demi.

Line up:

Kenn Ellner: lead vocal, tambourin, harmo
Sean Byrne: vocal, rhythm gtr
John "Mouse" Michalski: lead gtr
Roy Chaney: bass
Craig "Butch" Atkinson: dms



Le LP s'ouvre de manière efficace avec Double Decker Bus, titre conçu en deux parties:
Une rythmique appuyée par un harmo qui répond à la voix dans les couplets. Arrive ensuite une autre tourne plus rapide, plus rock, qui soutient un chorus de gtr fuzz, puis retour à la première tourne.
Cette structure efficace est d'ailleurs reprise sur d'autres titres du LP.




Vient ensuite Pretty Big Mouth, avec ses couplets à nouveau appuyés cette fois par la gtr lead.




The World, morceau medium Schuffle, avec sa rythmique bass/gtr appuyée sur les premiers temps:




C'est maintenant que se place la reprise des Who, My Generation, qui n'apporte pas grand chose à l'original, le morceau étant tout de même efficace, mais beaucoup plus sage que son modèle.




She's Fine, chansonnette gentillette, ponctuée par des vocalises un peu douteuses, ou fausses, selon les goûts... Rien de dingue.
Si, les 15 premières secondes, avec le motif de gtr en triolet, me font penser à du Stranglers...




La première face se termine en beauté avec le single, "Psychotic Reaction", évoqué plus haut.
A noter la même structure de changement de tempo sur les couplets/chorus.




La face B s'ouvre avec mon morceau préféré, Peace of Mind, réglé en intro par une note hypnotique de gtr fuzzée... Même structure que précédemment... Chorus de gtr bien barré.




They're gonna get you: à nouveau changements de tempo, 1ière partie rapide avec des vocaux loufoques, la seconde, dédoublée et bien plus soft, sert de refrain.




The Morning After, ballade medium, avec deux parties de gtr (traffiquées) plutôt sympas en guise de gimmick.




Can't get your lovin' , morceau d'influence Beatles début de parcours...




l'album se conclue avec Out in the Street, morceau qui débute par une gtr tremolo/fuzz en accords, qui s'enchaine avec un titre garage à toute berzingue, que je n'ai pas trouvé sur YT...

Pour résumer, Count Five est dons un groupe de garage/punk, aux influences psychées en ce qui concerne l'utilisation des gtr fuzz, qui a fait partie de la réponse US à la British Invasion, un conflit qui pour une fois, a eu du bon...



sommairisé

Sympathique chronique, Arno. Le vélo te réussit.

Faudrait répertorier un jour toutes ces pochettes prises en contre-plongée. J'ai l'impression qu'il y en a un paquet en '60/'70, à commencer par les compil' bleue/rouge des Beatles. Un vrai tic de photographe.

Très belle review, mon Arno et un excellent LP, voire un disque fondateur du garage 60s.

N'oublions pas que ces jeunes gens cultivaient un look Dracula du plus bel effet.

Thx big' & yardie.

Pour les pochettes, pourquoi pas ? Il y aurait aussi matière avec toutes celles qui usent de l'effet miroir/symétrie, le psyché en regorge...

J'ai oublié d'évoquer l'excellente reprise de Psychotic Reaction par The Fire Escape (1967), groupe constitué entre autres de musiciens de studio ainsi que de Sky Saxon, chanteur des Seeds, et de Kim Fowley, chanteur producteur barré de garage-psych...
Leur album est un mélange de covers de l'époque et de morceaux de leur cru.
Dans le genre, terriblement efficace...

Tout aussi excellent

Pêchu et bien fichu, y a pas de doute.

Mais dis-moi Arno, un truc qui me chiffonne, comment peux-tu accrocher à ce point à ce rock psyché-garage sixties et en même temps nous faire un rejet aussi massif de greffe stonienne ?

Parce que par moments, c'en est pas très éloigné, s'pas ? Ni plus évolué miouzicalement, n'est-il point ? Sans agressivité ni ironie, of course, juste pour comprendre et alimenter mon étude sur un projet d'implantation en Gironde d'une nouvelle sorte de légume, le kifouichade.

J'avais ce LP ! Je l'avais ! Mais faudrait pas avoir des (hum...) potes qui nous pillent !
J'adorais leur look vampire et le criiiiiiiiiiiisp pendant le refrain. J'ai longtemps pensé que c'étaient des accords frottés.

big' a écrit:

Mais dis-moi Arno, un truc qui me chiffonne, comment peux-tu accrocher à ce point à ce rock psyché-garage sixties et en même temps nous faire un rejet aussi massif de greffe stonienne ?

...et je suis heureux que cette question me soit posée.

J'avoue que c'est pour le moins contradictoire, et que tu as raison sur tous les points.
Je vais essayer de répondre sans ironie, le plus honnêtement possible.

Je crois que les Stones font ressortir mon côté Josh Randall, et exacerbent mon combat pour la veuve et l'orphelin.
J'ai du respect pour ces groupes occultes (un peu plus connus pour certains), éphémères, et qui sont une multitude. Je leur trouve des tripes, de l'énergie non feinte, de la spontanéité, du talent.
Ils ont évolué (ou pas) dans l'ombre de la machine Stones qui, amha, s'est contenté du strict minimum, tout en s'endormant sur ses lauriers. Je trouve que ces derniers ne méritent pas le succès mondial qui est le leur, qu'ils ont tout raflé en prenant soin de ne pas laisser une miette, bref, qu'ils ont mué en escrocs.
De plus, je trouve que globalement, ils ne groovent pas, et je ne supporte pas Jagger, c'est physique.

Voilà.
Tant qu'à acheter un poulet, je préfère le faire chez mon volailler plutôt que dans la grande distribution. Pourtant, les deux vendent du poulet...

Il est inutile que je développe plus avant, je crois que l'idée générale est là, bien que puérile, tout ceci étant bien entendu très subjectif.

Tout ça n'est pas très glorieux, mais c'est comme ça.

Après relecture, je ne suis pas sûr qu'on le ressente dans ce post, mais il n'y a aucune agressivité de ma part. (ni bon sens d'ailleurs )


ps: Si on tape kifouichade dans gougueul, on tombe directement ici, c'est le seul lien.
ump: lapin compris, le kifouichade...

edit: bon dieu, je viens de comprendre...

J'avais oublié le T. C'est kifouitchade.

Sinon, je comprends. C'est vrai que l'hégémonie, c'est mal.

C'est vrai aussi pour les Beatles. Et pour Justin Biberon, mais c'est un autre débat.

big' a écrit:

Mais dis-moi Arno, un truc qui me chiffonne, comment peux-tu accrocher à ce point à ce rock psyché-garage sixties et en même temps nous faire un rejet aussi massif de greffe stonienne ?

Arno a déjà répondu, mais je l'expliquerais comme ça: les Stones se sont surtout inspirés de tous les trucs black (blues et r&b) alors que la plupart des groupes garage US n'exploraient pas tellement ces styles.

Enfin, c'est comme ça que je le vois.

Arno, tu me dis si j'ai bon ? Ou pas ?

Oui bien sûr, ça fait (entre autres) partie du truc. Des escrocs, je vous dis !

En ce qui me concerne, vous aurez compris que ma relation à l'égard des Stones est totalement subjective, dénuée de bon sens, et surtout épidermique...

les Stones sont une des grandes influences du garage sixties US (il suffit d'écouter les Standells ou le Chocolate Watchband pour s'en convaincre) mais pas la seule, et je pense qu'une place de choix doit être accordé aux Yardbirds, peut être encore plus que dans leur pays d"origine, et ça me permet de rebondir car psychotic reaction des Count Five est clairement inspiré du groupe de Chris Dreja dans sa tentative de rave up sauvage et hypnotique!

Bien vu Alex !

big' a écrit:

C'est vrai que l'hégémonie, c'est mal.

Ah voilà, c'est le mot que je cherchais. Ça m'aurait évité un post de 20 lignes...

Alex, suis d'accord avec toi, notamment avec l'apport des Yardbirds.
Il n'y a qu'à se pencher par exemple sur Nazz: rien que leur nom vient d'un titre des Yardbirds, "The Nazz Are Blue".
Ils ont d'ailleurs produit une cover plutôt boostée de "Train Kept a rollin' ":

Ouaip... Pas mieux que tout le monde.

The Cramps - Psychotic reaction



épicétou.