Kevin Coyne

"Funny, funny, funny, funny, oh so funny that's it's making me cry
Funny, funny, funny, funny, oh so funny Lord, sometimes I wish I could die."


Dali disait: "La seule différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou." Affirmation que Kevin Coyne aurait pu avancer tant il fût une époque où la limite entre les deux états se révéla minime. Il en jouera autant qu'il en sera victime.

Comme il l'explique à la fin de l'extrait vidéo, House on the hill est une chanson écrite à partir de son expérience de travailleur social en hôpital psychiatrique et de son état dépressif. C'est loin d'être la première sur ce thème. Ni la dernière.
Coyne explique cela, en 1973, sur le plateau de la BBC. Invité une fois de plus par le grand John Peel. Il faut dire que Peel le connait bien. Depuis 69.

Coyne après avoir fait des études d'art va, à partir de 1965, devenir travailleur social, d'abord dans le Lancashire, en hôpital, puis à partir de 69 à Londres dans les quartiers populaires de la ville.
Cette année-là, parallèlement à son travail, il crée Siren, un groupe de boogie-blues-ballad que Peel va repérer et faire signer chez Dandelion Records.
Le groupe enregistre 2 albums avant de splitter faute de succès et d'argent.
Kevin retourne à son travail et continue d'écrire et de composer. Il joue aussi de la guitare. Comme on peut le voir sur la vidéo: à plat, en open tuning et avec le pouce.

Entre 1970 et 72 il ne reste jamais loin de la scène musicale. Peel garde un oeil sur lui. Et en décembre 1972 Coyne auto-produit son premier album solo, que sortira Dandelion Records.

Case History (1972)


Coyne dira de cet album: "Ce n'est pas seulement un album, c'est toute une période de ma vie". Remarque qui tient autant pour le contenant que pour le contenu puisqu'il livre des chansons directement inspirées de son travail aux contacts des "cas sociaux" qu'il a pu rencontrer. Des drames de la vie dont il a pu être témoin comme pour l'histoire d'Uggy:


Malheureusement Dandelion Records ferme en 1973. Le disque n'aura pas sa chance.
Kevin ne se décourage pas et arrive à signer avec un nouveau label: Virgin Records. Il sera le second à signer, après Mike Olfield, chez Virgin. En quelques jours il enregistre un album... double! qui restera sans doute son album phare:

Marjory Razorblade (1973)


Outre House on the Hill on trouve le titre éponyme à l'album. Chanson a-capella qui va déclencher les première frictions entre Coyne et sa maison de disque qui trouve ce titre peu attrayant et que Kevin veut absolument placer en ouverture de LP. Sans parler des paroles ventant une Marjory loin de la "Sweet little sixteen" mais "...over fity-nine... Oh what a woman, what a tongue, what an abrasive manner..."
Marjory Razorblade, a capella, assez proche du disque et montrant la "théâtralité" dont pouvait faire preuve Coyne sur scène:


et une version en groupe où là c'est plus que de la théâtralité...


puis arrive Marlene, le "tube", titre que Virgin voulait mettre en premier sur le double album et qu'il ne peut se résoudre à interpréter convenablement. F..k the play-back... de toute manière l'émission ne s'y prête guère...


Alors, Kevin Clown? Oui bien sur, et un brin provocateur aussi (et une fois de plus pas seulement dans les gestes) pour ce Eastbourne Ladies:


Dix ans plus tard il en donnera une version plus lente portée par la basse bourdonnante de Steve Lamb et la guitare acérée de Peter Kirley. (désolé pour la coupure de fin):


C'est un très court tour d'horizon de l'album mais en même temps il n'est question que de première approche.
Je voudrais terminer avec ce titre, Old soldier, qui rééquilibre un peu la vison que j'ai pu donner de l'album (exception faite pour The House...).


Grâce au succès de Marjorie, Kevin peut sortir un album l'année suivante:

Blame it on the night (1974)


dont certaines chansons traitent de la folie d'une manière assez équivoque. Celle de patients qu'il a connus ou la sienne? Sans parler du rire du début de River of Sin... dont certains voient en lui l'annonce d'un autre rire... in the UK... en 1977.

Un Poor Swine blues-rock:


Matching Head and Feet (1975)


Ca marche pas mal pour Kevin. Un peu sous la poussée de Virgin, et bon, il a son ego comme tout le monde le brave Coyne, qui fait un peu miroiter grandes salles et gros son, il change de musiciens. C'est l'arrivée d'Andy Strummers et d'Archie Legett... Et ça marche... Il suffit d'écouter cette version de Sunday morning sunrise .


Si la musique prends plus d'ampleur, Coyne, du point de vue des paroles, reste fidèle à ses thèmes de prédilection puisque cette chanson met en scène "... a drunken man on a saturday night... " ajoutant, le jour de cette prestation scénique, un peu ironiquement, en changeant de voix et en se tournant vers son guitariste (qui n'est plus Strummers depuis longtemps mais j'y reviendrais): "...may be it's a tuesday night..." jour de ce live (1982), comme pour le prévenir de son propre état... Car cette prestation (que je trouve émouvante même si la voix est un peu noyée dans la musique) coïncide avec le début de la période vraiment noire du chanteur.
(Amis bassistes notez au passage la Fender fretless de Steve Lamb):


Mais revenons au disque sur lequel on trouve un superbe "Lonely Lovers":


On trouve un aussi un "Saviour" un brin ironique qu'il chantera seul sur scène quelques années plus tard, en solo:


Ou en groupe:


L'année 1976 marque la sortie de deux albums.
Heartburn qui n'est pas d'une facture inoubliable (donc que je vais l'oublier) et In living black and white un live dont je vous conseille vraiment l'écoute avec un Kevin Coyne en grande forme et des musiciens qui assurent comme... des bêêêtes... "Le" live qui va attirer de nouveau fans et faire parfois découvrir des chansons anciennes puisque Coyne reprend même des tîtres de Case History.

Pour la petite histoire, le Kevin garde toujours son coté facetieux puisque si le recto de la pochette nous le montre souriant:


le verso dévoile qu'il tient dans sa main rien de moins qu'un rasoir...:


Beautifull Extremes (1974-77)


Après la grosse artillerie du live retour à la simplicité.
Une guitare pour So Strange, véritable chanson d'amour:


Un piano electrique pour un des morceau les plus étranges de Coyne ou sur le canal gauche il réclame son pantalon à Mona alors que sur l'autre il conte l'histoire d'un enfant martyrisé:


Unique accompagnement du piano électrique pour un constat d'impuissance:


"I've been crossing by the river in an anticipatory way
I've been searching for the river in an anticipory way
But the river never come to me"

Dynamite Daze (1978)


Encore un super album. Enregistré à toute vitesse. Certaines paroles un peu inquiétantes dont on ne sait s'il faut les prendre au premier ou au second degré: "Prolétaires de tous les pays unissez-vous pour me détruire"... "Mes enfants ont peur... vous vous moquez de ma femme...".

Deux morceaux bien nerveux: Dynamite Daze et Amsterdam


Et pour finir un petit bijou, accompagné uniquement au piano. Une voix qui n'a jamais été aussi douce pour un tendre aveux: I only want to see you smile


Millionaires and Teddy Bears (1978)


Second disque de l'année. Le showbizz passé à la moulinette dans Having a party:


et aussi un Pretty Park assez décontracté:


Mais demeure toujours le mal-être... toujours l'insidieuse peur:

"I'm like a finished man now
What on earth is my mind going to do?
With memories of you
Those memories of you."


Babble (1979)


C'est une comédie musicale. Très peu de temps jouée pour cause de déclaration sulfureuse de Coyne, prétendant que les "héros" ne sont autre qu'un couple de tueurs en série ayant sévi en Angleterre dix ans avant. Déchaînement de la presse. Rideau.

Un court extrait d'un doc concernant Babble.


Cet échec, ajouté aux tournées, aux problèmes avec Virgin, à une certaine aigreur de ne pas être "reconnu" commercialement n'arrange pas l'état à tendance dépressive de Coyne qui en plus s'alcoolise de plus en plus.

Bursting Bubbles (1980)


Sans doute l'album qui me fait frissonner. Il faut absolument écouter ces trois morceaux. On comprend bien, je pense, l'état d'esprit dans lequel se trouve Kevin quand il enregistre ce disque. Indignation et rage.
Rage, impuissance avec encore, cependant, une lueur d'espoir sous-jacente. Kevyn Coyne, pour l'instant, toujours debout.

Cette voix sur Children's Crusade!


Inquiétante "mise en sons" de Mad Boy2 avec l'incantatoire et répétitif "you're juste the human race" ...


Et Coyne, cette fois d'une voix déchirante, enfonce le clou de ses terreurs dans Learn to swim-Learn to drown:


(petit hs pour dire que j'ai toujours lié cette chanson à cet auto-portrait de Courbet)


Sanity Stomp (1980)


Surmontant ses états d'âme Kevin Coyne sort un second album. Encore un double. Mais qui en fait résulte plus d'un marché avec Virgin que de sa volonté propre.
En effet le label a dans l'idée de faire de Coyne le chanteur du groupe The Ruts qui vient de perdre Malcowm Owen. C'est mal connaître le Kevin qui accepte l'enregistrement en échange de la possibilité de faire un second disque avec... la participation Robert Wyatt.
Ce Lp va beaucoup plus l'interesser et il nous offre un superbe In silence:


Et un humoristique et parodique The world speaks:


Cela ne l'empêchera pas d'écrire dans You can't kill us :
"You can say I'm neurotic, say I'm psychotic,
say that I stink, say that I'll think
but you can't kill me, no you can't kill me..."

Pointing the finger (1981)


Le point de rupture. L'album de rupture. Coyne quitte Virgin, change de musiciens, est sujet à une nouvelle dépression et à l'abus d'alcool.
Il sortira encore deux albums avant de partir s'installer en Allemagne pour des années de galère. Une descente aux enfers.
Il sera un moment sans sortir de disques mais épaulé par sa femme et ses fils (musiciens) il reviendra... mais c'est une autre histoire.

Pour l'instant nous en sommes au constat bien pessimiste de Sleeping-Waking:


"The seaside's closed, there's no-ne there
But we're alright, say it, we're alright, yes, we're alright
The sky shut down but we're alright
Are we alright?
Don't now if we are..."

Voilà pour un premier aperçu du bonhomme, de ses disques en production anglaise, ensuite viendra la production allemande. Sa discographie est assez foisonnante: 41 albums, dont au moins une trentaine d'originaux.

C'est grace au fabuleux site de Pascal Régis que j'ai pu faire cette présentation.
Il y a notamment toutes les paroles des chansons de KC, ce qui represente un travail considérable et aussi une discographie impressionnante, contenant les différentes éditions des disques selon les pays, les bootlegs et les passages radio et télés.
Le site officiel de Kevin Coyne existe grâce à ses fils. Le site montre les dessins et peintures de Coyne, évoque les nouvelles qu'il écrivait aussi.

Pour terminer je voudrais mettre cette vidéo. Une chanson de 1969 que Coyne reprend en 2003. L'age venant (c'est sans doute pour cela que j'y suis particulièrement sensible ) il ajoute un petit couplet de fin à l'ancienne version:
"... Every time I think of you I wana dance, just a little, You make me wana dance
I'm getting old and cold, but you make me wana dance
I feel good, better when I think of you
You make me "twist and shake" that's what you do
That what you make me do, I love you..."


Mais par un matin de décembre 2004, le petit homme sautillant, râleur, indigné, pestant contre l'injustice et l'imbécillité, usé de tant de rage exprimée, vaincu par la maladie, à soixante ans, cessera de danser à jamais.

Super,je l'avais oublié !

Beau sujet .

Je ne connaissais que son nom et sa trombine (et son faux air de Joe Cocker), pas sa musique, que je découvre. Sacrée voix !

Etonnant que je sois passé complètement passé au travers, vu la disco fournie mais la pochette du live me rappelle quelque chose, j'ai dû écouter, et oublier.

Plusieurs extraits me plaisent bien (In Silence par exemple).

Merci M'sieur 2S'.

Très chouette ce sujet, 2Splash!

Comme mes deux collègues, je ne connaissais que de nom et il y a franchement beaucoup de choses intéressantes à découvrir chez Kevin Coyne...

Merci Mr. 2S

C'est passionnant, merci 2splash, perso je ne connaissais pas du tout le bonhomme !

Merci les amis!
@ big': oui tu as bien dû entendre le live à un moment ou un autre, ça a vraiment été un "succès" pour lui, un peu comme Marjorie Razorblade à sa sortie...

J'avoue avoir décroché dans les années 80, en même temps le Kevin avait un peu disparu... Et puis, au boulot, un jour ou il fallait que je colle à toute vitesse une musique sur une bande annonce concernant un documentaire généraliste sur les autoroutes, je descends à toute vitesse dans l'audi de mixage et je demande au jeune ingé son ce que je pourrais mettre et à mon grand étonnement il me sort un Kevin Coyne que je ne connaissais pas! Stupéfaction: un album de 1992! Il était donc toujours vivant!
C'était Burning Head. J'ai écouté, et si je n'aimais pas beaucoup le traitement musical j'ai bien retrouvé la voix du père Coyne! En plus les trentes secondes qu'il me fallait fonctionnaient parfaitement sur les images!

bonjour, c'est Pascal du site Kevin Coyne
merci pour cette belle page, ca donne une bonne idée de la carrière de Coyne.
Je vous recommande à tous l'anthology "I wan my crown" (4cd),compilée par les fils de Kevin Coyne, sortit il y a quelques mois et abolument superbe

Merci pour l'info

Salut pascal, n'hésite pas à t'inscrire sur notre forum

(c'est quoi l'adresse de ton site ?)

Excellent sujet !

C'est une grande découverte pour moi. Je crois que je vais m'offrir cette compilation.

La vie de ce garnement m'interpelle beaucoup.

Bravo Pascal et 2splash. Superbe présentation.

Kevin Coyne Fan Website: www.kevincoynepage.tk
Kevin Coyne Group: www.kevincoyne.tk

There is a far better (live) version of Children's Crusade on Youtube !

Merci pour cette belle découverte 2Splash.
A la lecture de la présentation, de suite trouvé l'artiste attachant. J'aime énormément cet aspect un "fou" du personnage. Très attachant.
Dès la première vidéo "Funny Funny" accroche immédiate.
Frissons sur "Uggy", dès les premières secondes, un boum intérieur.
Super morceau que "Marjory Razorblade".
Je trouve l'univers très blues au final.

Etonnant cette façon de jouer de la guitare avec le pouce.
Want list car vraiment un vrai plaisir musicalement.

Si du point de vue musical la construction des morceaux n'est pas à proprement parlée "blues", sans aucun doute la voix, et les textes, font de Coyne un grand bluesman...

Un grand merci à tous, et une fois de plus, mes remerciements à Pascal qui le rappelle justement: l'Anthologie 73-80 vaut vraiment le coup.

heureusement que j'ai utilisé la fonction "chercher" car je voulais faire un sujet sur kevin coyne ... et vu la qualité de celui ci , je suis bien heureux d'avoir évité de me rendre ridicule .

à chaque fois que j'écoute ce monsieur j'ai l'impression qu'il donne tout ce qu'il a dans le ventre , comme si c'etait la derniere chanson qu'il interprete ,

la version live proposée de "Sunday Morning Sunrise " est pas mal même si j'adore la version studio

je me permets de rajouter la version studio de "saviour" car c'est quand même un truc fabuleux




et félicitations à l'auteur de ce sujet

Une pensée aujourd'hui pour le camarade 2Splash, en espérant qu'il va bien.

J'ai trouvé dans un bac d'occasion le double Marjory Razorblade en version Virgin France 73 :



Et up pour le gars Kevin Coyne.

Un an déjà ... Sans faire exprès. Autre disque écouté aujourd'hui, cité dans le premier post, Blame it on the Night (1974). Très bon, rien que pour le chant sur le morceau-titre, entre Van Morrison et Captain Beefheart.



Up annuel !

J'ai souvenir d'un facile (comme tous les raccourcis) résumé du Coyne dans Brock & Schnock début 80's :

" La bière est chaude et les filles sont froides , garçon la même chose !"

Entre Van Morrison et le Captain Coeur de boeuf ? Plutôt Capitaine Blafard que Van The Man.

J'écoute jamais tout comme John Martyn , Murray Head and tutti quantique.

....Mais comme dit la Vero d'Isabelle , celui qui n'essaye pas ne se trompe qu'une seule fois......

Nowhere Man a écrit:

Plutôt Capitaine Blafard que Van The Man.

Sur ce morçal, oui, sur d'autres c'est plutôt l'inverse mais j'ai pas trouvé de lien.

Je viens de prendre le temps de décortiquer ce sujet de 2Splash (une pensée pour lui).
Je découvre Coyne et vraiment ça vaut le déplacement; musiques et chansons à tripes.

Merci Big pour la relance.

Avec plaisir, il mérite. Et rien à voir avec Murray Head, mais vraiment rien. Y a des fois où ton compère de boulange m'étonne

Je ne vois pas non plus le rapport. Ca doit être la baguette aux épices et champignons.

Say it ain't so, Per. Please, say it ain't so.